Formalistes et Zinesters : Pourquoi le formalisme n'est pas l'ennemi (3/3)

Published September 11, 2013
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Cet article est une traduction autorisee de la troisieme partie de celui-ci : Formalists and Zinesters: Why Formalism Is Not The Enemy (Tadhg Kelly)

Zines



Je pense qu'il y a une solution a cette problematique, une solution formaliste rien de moins. Je pense aussi que beaucoup de Zinesters ne vont pas aimer cela. Peut-etre avec le temps.

Dans son livre, Anna decrit une categorie de createurs analogues aux createurs de fanzines de ces dernieres annees. Ces personnes sont generalement considerees comme etant en dehors du courant dominant, travaillant a l'ecart sur des projets personnels et cherchant leur public sans etre aides. Les Zinesters ne sont generalement pas des programmeurs (categorises par les premiers comme des mecs blancs de la classe moyenne, etc.) et ils utilisent des outils comme GameMaker ou Twine pour creer leur art.

Plutot que d'appeler ceci un "jeu" artistique, une "experience ludique", un "non-jeu" ou d'entrer dans des debats quant a savoir dans quelle proportion c'est ou non un jeu, ou s'enliser dans le concept flou qu'est le "divertissement interactif", Anna (peut-etre par inadvertance) nous fournit un terme excellent. "Zine" me semble un terme tout a fait approprie pour decrire une intention politique et critique, une description de la maniere dont une chose doit etre abordee plutot qu'une classification de ce qu'il est.

Certains zines peuvent etre des jeux, par exemple. Certains zines peuvent etre des experiences ludiques, mais pas des jeux. Certains zines peuvent etre des jouets. Certains zines peuvent etre des mondes a explorer sans but precis. Certains peuvent etre des promenades numeriques. Certains peuvent raconter des histoires. Certains peuvent deliberement ne pas le faire. Certains zines peuvent etre rien de ce qui precede, ou integrer tous ces aspects. Certains zines peuvent etre numeriques. Certains zines peuvent etre analogiques.

Le "zine" est une appellation qui amene a considerer une oeuvre selon ses propres regles, un peu comme c'est le cas pour "l'art moderne", au lieu de le decrire en tant que format, comme pour une "statue". Le terme zine permet au debat de depasser les questions sur l'appartenance a telle ou telle categorie. Dys4ia et WarioWare, par exemple, pourraient etre consideres comme une opposition contrastee en un zine et un non-zine, independamment du probleme si ce sont des jeux. Les principales differences entre eux sont les suivantes :

  • La facon dont ils traitent la notion de defi
  • S'ils sont destines a etre rejoues
  • La facon dont ils traitent la question de l'apprentissage
  • Si l'echec est possible
  • Si l'emergence est souhaitee
WarioWare teste les competences du joueur en augmentant progressivement la difficulte. Il est destine a etre rejoue, souvent sur des durees longues. Il est destine a etre maitrise. L'echec est possible, tout comme peuvent l'etre les effets emergents. A chaque partie multi-joueurs sur une Wii, des choses droles et inattendues se produisent. Tout cela fait de WarioWare un jeu, et non un zine. WarioWare est finalement un produit commercial destine a faire plaisir ou a divertir, et on ne trouve que peu de traces des intentions personnelles de l'auteur dans ce jeu, voire pas du tout.

Dys4ia met a l'epreuve des idees preconcues des joueurs. Ses epreuves ne deviennent pas plus difficiles (en termes de competences), mais elles deviennent davantage explicites emotionnellement. Dys4ia est destine a etre rejoue un certain nombre de fois, mais pas beaucoup. Il n'est pas destine a etre maitrise, mais a s'en impregner, de sorte que le joueur parvienne a comprendre la profondeur de l'univers de son auteur. L'echec n'est pas vraiment possible, seuls des retards dans les succes le sont. Tout comme les effets emergents - dys4ia est deliberement une experience. C'est personnel, d'auteur, et vise a brosser un tableau dans le but d'evoquer un sentiment que son createur experimente (ce qui est la definition de l'art selon Tolstoi) chaque jour.

Vu dans le contexte du "jeu", compte-tenu des principes des jeux, dys4ia n'a pas beaucoup en commun avec WarioWare, les echecs, le 100 metres haies, les flechettes, Tetris, le backgammon, Halo, le poker, Ridiculous Fishing, Snake, le jeu de Go, Horreur a Arkham, chat perche, Diablo ou les machines a sous. Ce n'est pas tres amusant, ni mecaniquement fascinant. Vous ne finissez pas vraiment victorieux ni ne devenez meilleur. Ceci sont pourtant des qualites qui decrivent generalement des jeux.

Vu dans le contexte de "zine", cependant, la question de savoir si dys4ia est un jeu, ou a quel point, ou quelles parties pourraient en etre, n'est pas pertinent. Alors se pose la question de savoir si c'est amusant. En tant que zine, en tant que performance artistique qui eclaire le joueur sur ce que c'est d'etre transgenre, dys4ia est incroyable. En le pensant en tant que zine, je me dis que je peux faire abstraction de son caractere ludique ou plutot de son absence de celui-ci.


Vers la Detente



Tout cela fait sens selon moi, mais mon instinct me dit que ma definition de "zine" ne conviendra pas. Nous en arriverons peut-etre, tout comme le debat entre l'histoire et le gameplay, a la conclusion que tout cela repose sur des arguments sans fondement. Nous allons peut-etre nous retrouver a faire la distinction entre un "Jeu" et un "jeu" (comme "Art" et "art") ou aboutir a une convention reunissant le "jeu pour la performance" et un "gamezine" deformant ainsi les definitions du jeu pour englober les zinesters.

Cependant, a ce stade, j'aurais plutot tendance a dire que c'est aux zinesters de decider qui ils veulent etre. En tant que formaliste je suis personnellement de plus en plus ennuye d'entendre l'argument facile qui amalgame tous les mecs blancs et proclame que toute opinion d'un mec blanc est suspecte et equivaut a une oppression sans discernement, complice et poussive. C'est en partie ce qui m'a motive a ecrire cet article pour expliquer d'une part pourquoi, malgre toutes ses vertus, je me lasse d'ecouter certains energumenes qui declament la meme diatribe encore et encore, et d'autre part la facon dont la nouvelle mode autour de cette diatribe va disparaitre, et la facon dont il me semble que les zines sont actuellement un begaiement de l'histoire.

A l'heure actuelle les zinesters ne donnent pas beaucoup de credits aux gens qui ne sont pas deja d'accord avec eux. Ils semblent plus se satisfaire a crier et a obtenir la reconnaissance de leur propre tribu, mais cette energie finira par s'essouffler si elle ne se melange pas avec les autres. Les passions sur le zinesterisme ne sont pas a prendre a la legere ou ignorees, mais le risque que ce mouvement se marginalise de lui-meme est fort. Les diatribes sont violentes, mais apres un certain temps elles devraient s'estomper.

Je ne peux pas m'empecher de penser que la lutte du mouvement zine a l'aide d'arguments specieux finira par le releguer a une sorte d'impasse pour aigris. Je ne peux pas m'empecher de penser que le mouvement finira par eclater, comme le mouvement sur les jeux narratifs l'a fait auparavant. Dans la chasse aux ennemis, je ne peux pas m'empecher de penser que le zinesterisme commencera par trouver des ennemis dans ses propres rangs et a se cannibaliser. Tout ce qu'il faut pour que le zinesterisme echoue, c'est que les gens l'ignorent, pour en arriver a la conclusion que tout cela ne concerne que des gens extremistes devenant toujours plus extremistes. Personnellement, je pense que si les zines se retrouvent dans cette situation, ce sera tragique.
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